Edito de Jean-Marc Mignon, Conseil des Sages d’ISTO
2 Mar 2023

Edito de Jean-Marc Mignon, Conseil des Sages d’ISTO.

Cette nouvelle année 2023 va voir ISTO célébrer ses 60 ans d’existence. Cela n’est pas anodin et peu d’organisations internationales, dans le secteur du tourisme, peuvent se prévaloir d’une telle longévité.

Mais, bien sûr, la question qui nous vient immédiatement à l’esprit est de savoir ce que nous désirons en fait célébrer : est-ce 60 ans de tourisme social, est-ce l’émergence de formes de tourisme responsable et solidaire – très bien décrite par notre vice-président et ami Maurizio Davolio dans son éditorial du décembre 2022-, est-ce encore autre chose…ou bien n’est-ce pas en fait plus simplement notre Organisation elle-même, au travers de son histoire et de ses engagements ?

Cet éditorial n’a pas pour objet de raconter en détail l’histoire de ce que fut le B.I.T.S. (Bureau International de Tourisme Social), de sa création en 1963 jusqu’au congrès de Rimini, en 2010, où il fut rebaptisé O.I.T.S./I.S.T.O, pour ne garder aujourd’hui que le sigle ISTO ; il s’agit plus de rappeler ce qu’a été le sens de l’engagement de plusieurs générations de responsables d’organisations de tourisme et de militants et d’envisager le sens à donner à l’action future d’ISTO.

Qu’elle est loin l’époque où, en 1897, l’aquarelliste canadien Maurice Prendergast peignait une toile intitulée « Visiteurs d’été » en bord de mer, période suivie par les conquêtes sociales permettant, après la Seconde Guerre mondiale, l’éclosion de ce que l’on appelait alors le tourisme « populaire », devenu tourisme « social » à l’époque de la création du BITS. C’est autour de l’ambition de nos fondateurs de contribuer au développement de ce tourisme pour tous que notre Organisation s’est constituée et transformée au fil des ans, cet objectif demeurant central, puisque nous sommes encore bien loin du compte à l’échelle internationale.

Dans différents pays d’Europe puis des Amériques, les pouvoirs publics ont joué un rôle majeur pour instiller des programmes ou dispositifs de politiques sociales du tourisme, de même que les opérateurs venant majoritairement des secteurs associatifs ou coopératifs, mais pas uniquement, ont proposé une offre de vacances diverse et abordable. Depuis des décennies, le BITS/ISTO s’est efforcé de porter cette ambition d’un tourisme accessible au plus grand nombre à l’échelle internationale, et notamment au sein de l’Organisation Mondiale du Tourisme, où, à la fin des années 1990, notre contribution à l’élaboration du Code mondial du tourisme fut loin d’être négligeable.

Et ceci amena notre Organisation à préciser la vision qu’elle avait du tourisme social et du tourisme en général, au travers de son principal texte de référence, la Déclaration de Montréal « Pour une vision sociale et humaniste du tourisme », adoptée en 1996 et enrichie en 2006, qui n’a rien perdu de sa pertinence.

Tout naturellement, cette quête de sens conduisit ensuite ISTO à s’ouvrir aux opérateurs de tourisme responsable et solidaire, et à les accueillir de façon formelle lors du congrès de Zagreb, en 2016.

Cette évolution, qui pourrait se poursuivre à l’avenir avec d’autres partenaires partageant nos valeurs, a entraîné le renouvellement des membres d’ISTO, avec des départs ou disparitions de membres anciens, mais aussi l’arrivée de nouveaux membres marquant une plus grande diversification, notamment géographique, puisque nous sommes dorénavant présents sur les 5 continents, avec 168 membres et 20 chercheurs universitaires de 46 pays.

Mais, aujourd’hui, un autre défi absolument majeur se dresse face à nous, comme face à l’ensemble du monde du tourisme…et à toute la communauté internationale : il s’agit bien sûr de l’enjeu climatique et environnemental. La science comme les dérèglements climatiques majeurs de ces dernières années nous ont ouvert les yeux sur les conséquences de tous nos actes, de nos modes de consommation, et donc, évidemment, notre façon d’occuper nos loisirs et de nous déplacer.

Or, ISTO se trouve véritablement à la croisée des chemins : comment continuer à faire vivre l’ambition légitime de donner un accès aux vacances et au tourisme à davantage de nos concitoyens et, dans le même temps, concilier cela avec une plus grande responsabilité vis-à-vis de notre planète et avec des formes de tourisme qui soient acceptées par les populations des destinations ? Trois enjeux, trois durabilités, qu’il n’est bien sûr pas facile de traiter avec la même efficacité, et parmi lesquels l’enjeu social demeure sans doute, pour ISTO, le levier d’action qui lui est le plus spécifique pour agir. A cet égard, le projet d’Observatoire soumis à la Commission européenne dans le cadre d’un consortium pourrait constituer, s’il était retenu, un très bel outil. Mieux s’appuyer sur les acteurs du monde du travail et leurs représentants pourrait aussi à conforter cette ambition propre à ISTO.

Le fait que les dispositifs et programmes de tourisme à caractère social soient très majoritairement offerts aux échelles nationales est sans doute un point majeur pour notre secteur et notre organisation, de même que les voyages solidaires et responsables de nos membres s’appuient sur des critères stricts de durée, de respect de l’environnement, de rencontres qui vont dans le bon sens…

C’est pour cela que, à notre sens, ISTO, loin d’avoir la vision un peu décatie du tourisme qui lui fut injustement reprochée à une certaine époque, est, avec ses sections Afrique, Amériques et Europe, l’organisation internationale la plus à même de trouver des pistes pour l’émergence d’un tourisme beaucoup plus porteur de sens, où nous n’oublions pas les fortes inégalités entre continents et pays, entre personnes relativement à l’aise et classes plus défavorisées. C’est aussi en son sein que, par exemple, avec le soutien de membres de l’Alliance pour la formation et la recherche, une réflexion en profondeur est menée sur le rôle des organisations touristiques en matière d’équité des genres, ou que nous nous employons à rendre le tourisme accessible aux personnes handicapées.

La façon dynamique et multiforme de célébrer cet anniversaire, choisie par notre Présidente, Isabel Novoa, le comité exécutif et l’équipe d’ISTO permettra sans aucun doute de montrer la richesse de notre apport collectif.

La voie est certes étroite pour avancer, et il serait bien prétentieux de penser que nous saurions trouver des solutions seuls, ni sans remises en cause profondes de nos modes de vie et sans une plus grande sobriété…

Mais, pour reprendre les termes du chef brésilien Benki Piyako, que nous avions accueilli lors du Congrès de Lyon, en 2018, formons le vœu et ayons confiance dans le fait qu’ISTO soit, en matière de tourisme, et avec d’autres, un « éveilleur de conscience » et un défricheur de solutions visant l’intérêt général.

Très bon 60ème anniversaire à ISTO et à tous ses membres.

 

Jean-Marc Mignon

pour le Conseil des Sages

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